Franchise
Je l'ai enquiquiné.
Je l'ai observé, rappelé à l'ordre, encouragé, je lui ai touché l'épaule pour qu'il redescende sur terre, je l'ai redressé sur sa chaise, j'ai fermé sa trousse, reposé son bras sur le cahier, tenu la main pour le guider, je ne l'ai pas quitté des yeux durant une bonne 1/2h..., le ramenant au travail systématiquement.
Dès qu'il jouait avec ses crayons, testait l'équilibre de sa chaise, se levait pour aller voir où en était le voisin, comptait les fissures du plafond, soupirait, entaillait sa gomme avec ses ciseaux, baillait aux corneilles...
Bref, clairement, je ne l'ai pas lâché.
Il a mis autant d'énergie à éviter le travail, que moi à le remettre face à son cahier.
Egalité, 1 partout.
Oooh, je sais bien que s'il est (laaaargement) le dernier à boucler cette ligne d'écriture, c'est que son geste est maladroit, qu'il a comparé avec l'écriture parfaitement régulière de son voisin et en a déduit trop vite (et à tort) que lui n'y arriverait jamais, et qu'en faisant traîner le travail il retarde surtout le moment de se confronter à la difficulté.
Il est l'un des derniers CP à n'avoir pas encore compris que c'est en essayant qu'il arrivera, et au final, aussi bien que ses camarades. Chacun à son rythme, chacun à sa façon, mais une seule contrainte pour y parvenir : s'y mettre.
La maîtresse ne demande jamais rien qu'on ne soit capable de faire.
Dur à admettre tant qu'on n'en a pas la preuve... dur d'avoir la preuve tant qu'on n'essaye pas !
Pas de crayon magique chez nous, sans sa main pour diriger le crayon, cette ligne de 5 ne se fera pas !
Il soupire... encore.
Heure de la récré. Tout le monde dehors !
Ah non, pas toi, tu termines ces trois 5, c'est l'histoire de quelques secondes maximum (qui au final prendront bien 2 ou 3 minutes, tant sa force d'inertie et d'évitement est phénoménale...)
Il re-soupire. Tire la langue sous l'effort. Termine. Ouf.
ENFIN !!!
Allez, tu peux rejoindre tes camarades.
Il se lève avec un grand sourire de soulagement.
"Aaah, enfin le travail me lâche !"
Il range son crayon, sa chaise, attrape sa veste.
"Enfin, j'aurais pu dire : enfin la maîtresse me lâche ! Mais ça aurait pas été très gentil, hein maîtresse ?"
Certes.
J'apprécie ta franchise, jeune homme.
Allez zou, en récré !
:-D